Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
99
CORINNE OU L’ITALIE.

de l’âpreté, de la fixité de la douleur ; un frémissement que n’éprouvent point les femmes résignées depuis long-temps à souffrir agitait alors tout son être.

Cependant, au milieu de la plus cruelle anxiété, elle préparait secrètement une journée brillante qu’elle voulait encore passer avec Oswald. Son imagination et sa sensibilité s’unissaient ainsi d’une manière romanesque. Elle invita les Anglais qui étaient à Naples, quelques Napolitains et Napolitaines dont la société lui plaisait, et le matin du jour qu’elle avait choisi pour être tout à la fois et celui d’une fête et la veille d’un aveu qui pouvait détruire à jamais son bonheur, un trouble singulier animait ses traits, et leur donnait une expression toute nouvelle. Des yeux distraits pouvaient prendre cette expression si vive pour de la joie ; mais ses mouvemens agités et rapides, ses regards qui ne s’arrêtaient sur rien, ne prouvaient que trop à lord Nelvil, ce qui se passait dans son ame. C’est en vain qu’il essayait de la calmer par les protestations les plus tendres. — Vous me direz cela dans deux jours, lui disait-elle, si vous pensez toujours de même : à présent ces douces paroles ne me font que du mal. — Et elle s’éloignait de lui.