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CORINNE OU L’ITALIE.

tion semblable à la mienne, de quitter pour toujours l’Angleterre. Ma belle-mère n’en fut pas troublée, et, avec un sang-froid et une sécheresse que je n’oublierai de ma vie, elle me dit : — Vous avez vingt-et-un ans, miss Edgermond, ainsi la fortune de votre mère et celle que votre père vous a laissée sont à vous. Vous êtes donc la maîtresse de vous conduire comme vous le voudrez ; mais si vous prenez un parti qui vous déshonore dans l’opinion, vous devez à votre famille de changer de nom et de vous faire passer pour morte. — Je me levai à ces paroles avec impétuosité, et je sortis sans répondre.

Cette dureté dédaigneuse m’inspira la plus vive indignation, et pour un moment un désir de vengeance tout-à-fait étranger à mon caractère s’empara de moi. Ces mouvemens se calmèrent ; mais la conviction que personne ne s’intéressait à mon bonheur rompit les liens qui m’attachaient encore à la maison où j’avais vu mon père. Certainement lady Edgermond ne me plaisait pas, mais je n’avais pas pour elle l’indifférence qu’elle me témoignait, j’étais touchée de sa tendresse pour sa fille, je croyais l’avoir intéressée par les soins que je donnais à cet enfant, et peut-être, au contraire, ces soins mêmes avaient-ils excité sa jalousie : car plus elle s’était imposé