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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/168

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CORINNE OU L’ITALIE.

de sacrifices sur tous les points, plus elle était passionnée dans la seule affection qu’elle se fût permise. Tout ce qu’il y a, dans le cœur humain, de vif et d’ardent, maîtrisé par sa raison sous tous les autres rapports, se retrouvait dans son caractère, quand il s’agissait de sa fille.

Au milieu du ressentiment qu’avait excité dans mon cœur mon entretien avec lady Edgermond, Thérésine vint me dire avec une émotion extrême qu’un bâtiment arrivé de Livourne même était entré dans le port, dont nous n’étions éloignées que de quelques lieues, et qu’il y avait sur ce bâtiment des négocians qu’elle connaissait et qui étaient les plus honnêtes gens du monde. — Ils sont tous Italiens, me dit-elle en pleurant, ils ne parlent qu’italien. Dans huit jours ils se rembarquent, et vont directement en Italie ; et si Madame était décidée … — Retournez avec eux, ma bonne Thérésine, lui répondis-je. — Non, Madame, s’écria-t-elle, j’aime mieux mourir ici. — Et elle sortit de ma chambre, où je restai réfléchissant à mes devoirs envers ma belle-mère. Il me paraissait clair qu’elle désirait ne plus m’avoir auprès d’elle ; mon influence sur Lucile lui déplaisait : elle craignait que la réputation que j’avais autour de moi, d’être une personne extraordinaire, ne nuisît un