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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/177

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CORINNE OU L’ITALIE.

chement, en apercevant quelques défauts dans l’objet qui pourrait me plaire ; je ne savais pas qu’il existe des défauts qui peuvent accroître l’amour même par l’inquiétude qu’ils lui causent. Oswald, la mélancolie, l’incertitude qui vous découragent de tout, la sévérité de vos opinions, troublent mon repos sans refroidir mon sentiment ; je pense souvent que ce sentiment ne me rendra pas heureuse ; mais alors c’est moi que je juge, et jamais vous.

Vous connaissez maintenant l’histoire de ma vie ; l’Angleterre abandonnée, mon changement de nom, l’inconstance de mon cœur, je n’ai rien dissimulé. Sans doute vous penserez que l’imagination m’a souvent égarée ; mais si la société n’enchaînait pas les femmes par des liens de tout genre dont les hommes sont dégagés, qu’y aurait-il dans ma vie qui put empêcher de m’aimer ? Ai-je jamais trompé ? ai-je jamais fait de mal ? mon ame a-t-elle jamais eté flétrie par de vulgaires intérêts ? Sincérité, bonté, fierté, Dieu demandera-t-il davantage à l’orpheline qui se trouvait seule dans l’univers ? Heureuses les femmes qui rencontrent à leurs premiers pas dans la vie celui qu’elles doivent aimer toujours ! Mais le mérité-je moins pour l’avoir connu trop tard ?