Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
174
CORINNE OU L’ITALIE.

Cependant je vous le dirai, Mylord, et vous en croirez ma franchise : si je pouvais passer ma vie près de vous, sans vous épouser, il me semble que, malgré la perte d’un grand bonheur, et d’une gloire à mes yeux la première de toutes, je ne voudrais pas m’unir à vous. Peut-être ce mariage est-il pour vous un sacrifice ; peut-être un jour regretterez-vous cette belle Lucile, ma sœur, que votre père vous a destinée. Elle est plus jeune que moi de douze années ; son nom est sans tache, comme la première fleur du printemps ; il faudrait en Angleterre faire revivre le mien, qui est déjà passé sous l’empire de la mort. Lucile a, je le sais, une ame douce et pure ; si j’en juge par son enfance, il se peut qu’elle soit capable de vous entendre en vous aimant. Oswald, vous êtes libre ; quand vous le désirerez, votre anneau vous sera rendu.

Peut-être voulez-vous savoir avant que de vous décider ce que je souffrirai si vous me quittez. Je l’ignore : il s’élève quelquefois des mouvemens tumultueux dans mon ame, qui sont plus forts que ma raison, et je ne serais pas coupable si de tels mouvemens me rendaient l’existence tout-à-fait insupportable. Il est également vrai que j’ai beaucoup de facultés de bonheur ; je sens quelquefois en moi comme une fièvre