ON s’embarque sur la Brenta pour arriver
à Venise, et des deux côtés du canal on voit
les palais des Vénitiens, grands et un peu délabrés
comme la magnificence italienne. Ils sont
ornés d’une manière bizarre et qui ne rappelle
en rien le goût antique. L’architecture vénitienne
se ressent du commerce avec l’Orient ;
c’est un mélange du goût moresque et gothique
qui attire la curiosité sans plaire à l’imagination.
Le peuplier, cet arbre régulier comme
l’architecture, borde le canal presque partout.
Le ciel est d’un bleu vif qui contraste
avec le vert éclatant de la campagne ; ce vert
est entretenu par l’abondance excessive des
eaux : le ciel et la terre sont ainsi de deux
couleurs si fortement tranchées, que cette
nature elle-même a l’air d’être arrangée avec
une sorte d’apprêt ; et l’on n’y trouve point le
vague mystérieux qui fait aimer le midi de
l’Italie. L’aspect de Venise est plus étonnant