QUAND Oswald eut lu la lettre de son père,
remise par M. Dickson, il fut long-temps le
plus malheureux et le plus irrésolu de tous les
hommes. Déchirer le cœur de Corinne, ou manquer
à la mémoire de son père, c’était une alternative
si cruelle, qu’il invoqua mille fois la
mort pour y échapper ; enfin il fit encore ce
qu’il avait fait tant de fois, il recula l’instant de
la décision, et se dit qu’il irait en Italie, pour
rendre Corinne elle-même juge de ses tourmens
et du parti qu’il devait prendre. Il croyait
que son devoir l’obligeait à ne pas épouser Corinne.
Il était libre de ne jamais s’unir à Lucile.
Mais de quelle manière pouvait-il passer sa vie
avec son amie ? Fallait-il lui sacrifier son pays
ou l’entraîner en Angleterre, sans égard pour
sa réputation ni pour son sort ? Dans cette perplexité
douloureuse, il serait parti pour Venise,
si, de mois en mois, on n’avait pas répandu le
bruit que son régiment allait être embarqué ;