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CORINNE OU L’ITALIE.

de l’irritation, sans en dire la cause. Il reprochait à Corinne, par une bizarrerie singulière, la douleur qu’il éprouvait, comme si elle n’eût pas été mille fois plus à plaindre que lui ; enfin il bouleversait entièrement l’ame de son amie. Elle n’était plus maîtresse d’elle-même : son esprit se troublait, ses nuits étaient remplies par les images les plus funestes, le jour elles ne se dissipaient pas, et l’infortunée Corinne ne pouvait croire que cet Oswald, qui écrivait des lettres si dures, si agitées, si amères, fût celui qu’elle avait connu si généreux et si tendre : elle ressentait un désir irrésistible de le revoir encore et de lui parler. — Que je l’entende, s’écriait-elle, qu’il me dise que c’est lui qui peut déchirer ainsi sans pitié celle dont la moindre peine affligeait jadis si vivement son cœur ; qu’il me le dise, et je me soumettrai à la destinée. Mais une puissance infernale inspire sans doute un tel langage. Ce n’est pas Oswald, non, ce n’est pas Oswald qui m’écrit. On m’a calomniée dans son cœur ; enfin il y a quelque perfidie, quand il y a tant de malheur. —

Un jour, Corinne prit la résolution d’aller en Écosse, si toutefois l’on peut appeler une résolution la douleur impétueuse qui force à changer de situation à tout prix ; elle n’osait écrire à