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CORINNE OU L’ITALIE.

fera la gloire et le bonheur de son époux. Avec quelle émotion Oswald lut ces lignes où l’opinion de celui qu’il révérait était si vivement exprimée ? Il s’étonna du silence de Lucile envers lui sur les témoignages d’affection qu’elle avait reçus de son père. Il crut voir dans ce silence la délicatesse la plus rare, la crainte de forcer son choix par l’idée d’un devoir, enfin il fut frappé de ces paroles : À celle qui m’a consolé dans mes peines ! — C’est, donc Lucile, s’écria-t-il, c’est elle qui a adouci le mal que je faisais à mon père, et je l’abandonnerais quand sa mère est mourante, quand elle n’aura plus que moi pour consolateur ! Ah ! Corinne, vous si brillante, si recherchée, avez-vous besoin, comme Lucile, d’un ami fidèle et dévoué ? — Elle n’était plus brillante, elle n’était plus recherchée, cette Corinne qui errait seule d’auberge en auberge, ne voyant pas même celui pour qui elle avait tout quitté, et n’ayant pas la force de s’en éloigner. Elle était tombée malade dans une petite ville à moitié chemin d’Edimbourg, et n’avait pu, malgré ses efforts, continuer sa route. Elle pensait souvent, pendant les longues nuits de ses souffrances, que, si elle était morte dans ce lieu, Thérésine seule aurait su son nom et l’aurait inscrit sur sa tombe. Quel changement, quel sort pour une