Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/396

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rence, et mêlent ce goût à la dévotion, qui est plus régulière en Toscane qu’en tout autre lieu de l’Italie ; il n’est pas rare de les voir confondre les figures mythologiques avec l’histoire chrétienne. Un Florentin, homme du peuple, montrait aux étrangers une Minerve qu’il appelait Judith, un Apollon qu’il nommait David, et certifiait, en expliquant un bas-relief qui représentait la prise de Troie, que Cassandre était une bonne chrétienne.

C’est une immense collection que la galerie de Florence, et l’on pourrait y passer bien des jours, sans parvenir encore à la connaître. Corinne parcourait tous ces objets, et se sentait avec douleur distraite et indifférente. La statue de Niobé réveilla son intérêt : elle fut frappée de ce calme, de cette dignité, à travers la plus profonde douleur. Sans doute dans une semblable situation la figure d’une véritable mère serait entièrement bouleversée ; mais l’idéal des arts conserve la beauté dans le désespoir, et ce qui touche profondément dans les ouvrages du génie, ce n’est pas le malheur même, c’est la puissance que l’ame conserve sur ce malheur. Non loin de la statue de Niobé est la tête d’Alexandre mourant : ces deux genres de physionomie donnent beaucoup à penser. Il y a dans Alexandre