Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/398

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dans les expressions, trop d’impétuosité, trop peu de nuances : c’était le malheur, mais ce n’était plus le talent. Sans doute il faut, pour bien écrire, une émotion vraie, mais il ne faut pas qu’elle soit déchirante. Le bonheur est nécessaire à tout, et la poésie la plus mélancolique doit être inspirée par une sorte de verve qui suppose et de la force et des jouissances intellectuelles. La véritable douleur n’a point de fécondité naturelle : ce qu’elle produit n’est qu’une agitation sombre qui ramène sans cesse aux mêmes pensées. Ainsi ce chevalier, poursuivi par un sort funeste, parcourait en vain mille détours et se retrouvait toujours à la même place.

Le mauvais état de la santé de Corinne achevait aussi de troubler son talent. L’on a trouvé dans ses papiers quelques-unes des réflexions qu’on va lire, et qu’elle écrivit dans ce temps où elle faisait d’inutiles efforts pour redevenir capable d’un travail suivi.