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CORINNE OU L’ITALIE.

din avec une grande agitation. Il se disait que Lucile lui avait plu, précisément parce qu’il la connaissait peu, et qu’il était bizarre de fonder tout le bonheur de sa vie sur le charme d’un mystère qui doit nécessairement être découvert. Il lui revint un mouvement d’attendrissement pour Corinne, et il se rappela les lettres qu’il lui avait écrites, et qui exprimaient trop bien les combats de son ame. — Elle a eu raison, s’écria-t-il, de renoncer à moi, je n’ai pas eu le courage de la rendre heureuse, mais il devait lui en coûter davantage, et cette ligne si froide … Mais qui sait si ses larmes ne l’ont pas arrosée ? — et en prononçant ces mots les siennes coulaient malgré lui. Ces rêveries l’entraînèrent tellement, qu’il s’éloigna du château, et fut long-temps cherché par les domestiques de lady Edgermond, qu’elle avait envoyés pour lui faire dire qu’il était attendu : il s’étonna lui-même de son peu d’empressement, et se hâta de revenir.

En entrant dans la chambre il vit Lucile à genoux, et la tête cachée dans le sein de sa mère ; elle avait ainsi la grâce la plus touchante : lorsqu’elle entendit lord Nelvil, elle releva son visage baigné de pleurs, et lui dit en lui tendant la main ; — N’est-il pas vrai, mylord, que vous ne