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CORINNE OU L’ITALIE.

Elle avait toujours conservé de l’intérêt et de la reconnaissance pour sa sœur, ce qui ajoutait encore à la pitié qu’elle lui inspirait ; et, loin d’être flattée du sacrifice qu’Oswald lui avait fait, elle se tourmentait de l’idée qu’il ne l’avait choisie que parce que sa position dans le monde était meilleure que celle de Corinne ; elle se rappelait son hésitation avant le mariage, sa tristesse peu de jours après, et toujours elle se confirmait dans la cruelle pensée que son époux ne l’aimait pas. Lady Edgermond aurait pu lui rendre un grand service dans cette disposition d’ame, si elle l’avait calmée ; mais c’était une personne sans indulgence, et qui, ne concevant rien que le devoir et les sentimens qu’il permet, prononçait l’anathème contre tout ce qui s’écartait de cette ligne. Elle ne pensait pas à ramener par des ménagemens, et s’imaginait, au contraire, que le seul moyen d’éveiller les remords était de montrer du ressentiment ; elle partageait trop vivement les inquiétudes de Lucile, s’irritait de la pensée qu’une aussi charmante personne n’était pas appréciée par son époux, et loin de lui faire du bien, en lui persuadant qu’elle était plus aimée qu’elle ne le croyait, elle confirmait ses craintes à cet égard, pour exciter davantage sa fierté. Lucile, plus douce