Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome II, 1807.djvu/475

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
471
CORINNE OU L’ITALIE.

Un coup de poignard est puni par les lois, et le déchirement d’un cœur sensible n’est l’objet que d’une plaisanterie, il vaudrait donc mieux se permettre le coup de poignard. — Croyez-moi, répondit lord Nelvil, moi aussi j’ai été bien malheureux, c’est ma seule justification ; mais autrefois Corinne eût entendu celle-là. Il se peut qu’elle ne lui fasse plus rien à présent. Néanmoins je veux lui écrire. Je crois encore qu’à travers tout ce qui nous sépare elle entendra la voix de son ami. — Je lui remettrai votre lettre, dit le prince Castel-Forte, mais, je vous en conjure, ménagez-la : vous ne savez pas ce que vous êtes encore pour elle. Cinq ans ne font que rendre une impression plus profonde, quand aucune autre idée n’en a distrait : voulez-vous savoir dans quel état elle est à présent ? une fantaisie bizarre à laquelle mes prières n’ont pu la faire renoncer vous en donnera l’idée. —

En achevant ces mots, le prince Castel-Forte ouvrit la porte de son cabinet, et lord Nelvil l’y suivit. Il vit d’abord le portrait de Corinne, telle qu’elle avait paru dans le premier acte de Roméo et Juliette, ce jour, celui de tous où il s’était senti le plus d’entraînement pour elle. Un air de confiance et de bonheur, animait tous ses traits. Les souvenirs de ces temps de