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paradoxe d’Arsène Houssaye : „On ne discute qu’entre gens du même avis, et sur des questions de détail“. À travers le cycle de ses évolutions, la scolastique se reconnaît toujours. Pour la première fois, nous la voyons consciente de sa force chez saint Anselme de Cantorbery ; nous la retrouvons égale à elle-même quand plus tard saint Thomas l’affirme vis-à-vis des systèmes arabes, ou que les régents du XVIe siècle la défendent contre les Averroïstes de l’université de Padoue.

Il n’entre pas dans notre plan d’exposer ici le résumé de la doctrine philosophique de l’École, telle qu’elle apparaît dans les brillantes synthèses du XIIIe siècle. Nous nous bornerons à marquer dans un de ses principaux éléments, l’élaboration graduelle de cette synthèse durant la période de formation (IXe au XIIIe siècle). Aussi bien, il n’est pas de sujet plus intéressant dans l’histoire d’une haute culture intellectuelle, que de suivre les tâtonnements de ses débuts, les étapes de sa marche en avant. Et le moyen âge est d’autant plus caractéristique dans son œuvre intellectuelle, qu’il nous offre le spectacle d’un début de civilisation. Sur les données de quelques abréviateurs et commentateurs de la logique d’Aristote, les générations scientifiques depuis J. Scot Érigène au IXe siècle, jusqu’à Jean de Salisbury à la fin du XIIe ont fourni un travail personnel, extrêmement laborieux, dont les résultats sont bien près de rivaliser avec les synthèses mises en honneur par la renaissance scientifique du XIIIe siècle.

Nous voudrions contribuer à montrer par cette étude que, pris dans leur ensemble, les efforts du prémoyen âge ont été convergents. Nulle part, ce semble, cette convergence d’activités multiples, éparpillées sur l’espace de trois siècles ne s’accuse avec plus de netteté que dans le problème des universaux.

Nous le savons, certes, et de récents travaux l’ont montré à l’évidence, c’est mutiler la philosophie scolastique que de la ramener toute entière à une éternelle et stérile dispute sur les universaux. Il n’en est pas moins vrai que, durant la première partie du moyen âge, la scolastique a concentré sur ce problème son attention constante ; son développement a fait naître par contrecoup les problèmes fondamentaux de la métaphysique et de la psychologie.