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D’habitude on range les philosophes scolastiques, au point de vue spécial qui doit nous occuper, en des catégories nettement séparées, connues dans l’histoire de la philosophie sous des dénominations diverses : réalisme platonicien ou réalisme outré ou réalisme érigénien — conceptualisme — nominalisme — réalisme modéré ou réalisme aristotélicien ou réalisme thomiste. Le but de cette étude est de montrer qu’il n’est pas possible de faire rentrer les représentants des trois premiers siècles de la scolastique dans des cadres aussi fixement délimités — bien plus, que divers systèmes, opposés entre eux suivant leur définition doctrinale, ne sont, si on les place dans leur milieu historique, que des formes diverses et rudimentaires d’une théorie uniforme, en voie de formation.

Mais une question préalable se pose, et dans la délicate étude que nous abordons, il n’est pas permis de s’en désintéresser ; quelle est la signification du problème des universaux ? Comment se pose-t-il dans un système de philosophie rationnelle ?

Dans une philosophie rationnelle, le problème des universaux n’est autre que le problème de la vérité de nos connaissances intellectuelles. La conscience et l’analyse nous attestent qu’une catégorie nombreuse de représentations ont pour objet l’être général, les déterminations universelles des choses, indépendantes de tout attrubut d’individualité. Par les sens nous voyons tel homme, nous apprécions telle distance, nous palpons telle surface, mais nous concevons aussi d’une manière absolue l’homme, la distance, la surface, et le contenu de cette connaissance est réalisable dans un nombre indéfini d’êtres.

La question est de savoir si ces conceptions sont fidèles ; si elles correspondent adéquatement aux objets extérieurs qui les provoquent en nous ; dès lors, si elles nous renseignent exactement sur ce qui existe au dehors[1].

Elle apparaît évidente l’harmonie entre le concept universel et la réalité objective, si en dehors de notre esprit, les choses

  1. Cf. Mercier, Du fondement de la certitude. Louvain 18888, p. 127 et 128.