Page:De Wulf - Le Problème des Universaux dans son évolution historique du IXe au XIIIe siècle, 1900.pdf/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notre esprit. „Nous ne savons pas si cette représentation générale a un fondement en dehors de nous et si, dans la nature, les individus possèdent distributivement l’essence que nous concevons comme leur lot commun“. Nos concepts ont une valeur idéale, ils n’ont point de valeur réelle.

C’est le réalisme modéré, appelé réalisme aristotélicien pour l’antiquité, réalisme thomiste pour le moyen âge, qui a mis en relief la valeur réelle du concept général, son applicabilité à la nature. Toute substance existante ou possible est individuelle, disent à la fois nominalistes, conceptualistes, aristotéliciens et thomistes, à l’encontre de tous les tenants de la métaphysique platonicienne. La relation qu’exprime l’universalité, continuent les conceptualistes et les réalistes modérés, est une création de notre entendement. Mais les réalistes modérés se séparent de tous en ajoutant : l’universalité du concept a son fondement dans les choses, car les individus contiennent dans leur sein des réalités semblables, quoique multipliées numériquement en chacun d’eux. L’abstraction les isole (concept abstrait) ; la réflexion les rapporte à un nombre d’êtres indéfinis. (concept universel.)[1]

Le début du moyen âge a-t-il posé dans les mêmes termes la question des universaux ? A-t-il connu ces raffinements de pensées qui nuancent les divers systèmes tels que nous les avons définis ? Nullement.

Les générations scientifiques des premiers siècles n’ont pas eu à se prononcer en connaissance de cause sur tous les points de doctrine que soulève la très complexe dispute des universaux. Ils ne l’auraient pu d’ailleurs. Car ne l’oublions pas, la civilisation médiévale est une civilisation débutante. Or, il en est des pionniers de l’esprit comme des pionniers de la matière : ils avancent par étapes.

  1. La définition exacte des termes peut seule, dans la question présente éviter de funestes confusions. M. Hauréan distingue les nominalistes outrés, les réalistes et les nominalistes. (Notices et extr. de qles ms. lat. de la bibl. nation. T. V. p. 256 — Paris 1892). D’accord avec Kleutgen, van Weddingon et d’autres, nous dirions dans le même sens, les nominalistes, les réalistes exagérés et les réalistes modérés.