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C’est en étudiant la marche que suit une philosophie naissante que nous comprendrons la signification du problème des universaux au début du moyen âge.

L’histoire nous apprend qu’à son aurore, un mouvement philosophique, abandonné à lui-même, concentre tout son effort sur l’étude du monde sensible extérieur. Sonder la nature, pénétrer son secret le plus intime, telle est la préoccupation des premiers poètes rigvédiques, tel est le rêve de tous ces physiciens antérieurs à Socrate qui écrivent des traités au titre si naïvement prétentieux περὶ φύσεως. La psychologie ou l’étude du moi et les synthèses n’apparaissent que plus tard  ; elles sont le fruit des époques de maturité.

Ces lois qui tiennent à la nature même de l’esprit humain régissent aussi l’évolution de la philosophie médiévale. Telle que nous l’avons exposée dans sa portée définitive, la question des universaux est fort complexe. Elle ne met pas seulement en cause de graves spéculations métaphysiques sur la nature des êtres, mais encore les importantes thèses de critériologie et de psychologie sur l’objectivité de nos représentations intellectuelles et sur leur origine abstractive.

Rien de plus naturel donc que dans les premiers écrits scolastiques le problème ne se montre pas sous ces formes compréhensives.

Bien plus que nous croyons qu’il n’eût point été posé de si bonne heure au moyen âge, sans le concours de circonstances fortuites. Car il n’est pas né spontanément. Au jour de la renaissance carolingienne du IXe siècle, les premiers hommes d’œuvre se sont avidement emparés des quelques débris de philosophie grecque qui avaient échappé à l’œuvre dévastatrice des invasions. Porphyre et Boèce ont été les initiateurs principaux du moyen âge et ce sont eux qui ont été proposé comme une énigme, aux jeunes écoles de la Germanie, le problème ardu des universaux.

On sait que c’est autour d’une phrase de Porphyre, traduite et deux fois commentée par Boèce que gravite le débat. Porphyre décompose le problème en trois questions  : 1) Les genres et les