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« A Hirson, la situation était incroyable. Le 14 août, à 20 heures, les 7e et 2e compagnies du 23e territorial y débarquaient… Le fort était une agréable maison de campagne, ombragée par de beaux arbres poussés sur les glacis. Les ponts-levis du fort étaient rouillés, la tourelle à éclipse servait de grenier à foin ; quelques canons, mais pas d’obus, aucun approvisionnement d’artillerie ; naturellement, pas la moindre mitrailleuse, ni tôles pour abris, ni fil de fer, ni chevaux, ni voitures. »

Voilà l’état dans lequel on avait mis les fortifications qui, dans le système du général Séré de Rivières, étaient destinées à défendre nos frontières.

C’est qu’une opinion hostile aux fortifications s’était formée peu à peu dans l’armée.

Celui qui lui a donné de premier sa forme complète nous a été révélé, à nous autres profanes, dans cet admirable livre L’Armée nouvelle, où Jaurès a prévu tout ce qui devait se passer, avec ce merveilleux esprit intuitif qui lui permettait de tout comprendre, de tout deviner et dont les militaires professionnels ont si complètement manqué en tout ce qui était pourtant de leur métier. Cet homme, qui est mort très jeune, s’appelait le capitaine Gilbert. De 1888 à 1891, il a publié dans La Nouvelle Revue et ensuite, en 1892, en un livre, ses Sept Etudes militaires, qui sont considérées comme l’Evangile des dernières générations d’officiers. Il y exposait la doctrine qui est devenue celle de l’offensive à tout prix. Il démontrait que la défensive constitue par elle-même un aveu d’infériorité ; que l’offensive, au contraire, renferme en elle-même toutes les vertus. J’ai là beaucoup de citations que vous trouverez dans le livre de Jaurès. Gilbert