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condamnait, bien entendu, les fortifications et en particulier celles de la falaise de Champagne, c’est-à-dire du Chemin des Dames. Il déclarait que Paris était, somme toute, une ville comme une autre. Il Indiquait que la véritable direction de la ligne de retraite éventuelle ne devait pas être prise sur Paris, mais sur le Morvan, voire sur le bassin de la Loire, parce que c’est là que se trouvent les principales usines de guerre et qu’il n’y avait que cela à protéger dans l’intérêt de la défense nationale.

Sa doctrine était une sorte de métaphysique, une espèce de mystique militaire, qui ne tenait compte ni des facteurs moraux, ni des facteurs économiques.

Elle aboutissait à cette conséquence immédiate que seule l’armée active compte en définitive, car la tactique du coup droit s’accommode mal de l’armement général du peuple et se lie directement à la prépondérance de l’armée de métier.

Gilbert réservait à l’armée active seule le rôle important.

Cette doctrine, depuis trente ans, a été enseignée à l’Ecole de guerre, fondée en 1896 pour former les officiers brevetés, et au Centre des hautes études militaires, créé en 1910 pour les « élèves-maréchaux », c’est-à-dire pour la sélection des futurs grands chefs recrutés parmi les brevetés. On l’a résumée en ces formules simplistes ; Tapez dans le tas, rentrez dedans. On l’a dénommée la théorie du « bourrage ». Un général, un des rares qui aient vu clair et qui a été naturellement limogé dès le début de la guerre, le général Lanrezac, l’a résumée assez spirituellement dans cette phrase d’un style tout ce qu’il y a de plus militaire : « Attaquons, attaquons… comme la lune ! » (Rires.)