Page:De l'Incapacité des Militaires à faire la Guerre - André MORIZET.pdf/42

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une baguette en cuivre. L’engin, placé sur un fusil Gras, expédié avec une cartouche à blanc, pouvait porter à 200 mètres. L’inventeur alla montrer sa trouvaille à ses chefs qui lui dirent : « C’est ce qu’il nous faut ! Allez à Paris, voyez le général Baquet et faites adopter votre grenade. » M. Feuillette vint à Paris, mais le général Baquet le mit à la porte en lui disant : « Il y a 44 ans que nous préparons la guerre, Si on avait besoin d’un outil semblable, on n’aurait pas attendu le sapeur Feuillette pour le fabriquer. » Revenu à son secteur, le sapeur Feuillette fut immédiatement renvoyé à Paris et le général Baquet s’apprêtait à le faire empoigner par deux gendarmes, lorsque M. Feuillette, jouant le tout pour le tout, eut le culot de dire à son interlocuteur : « Après tout, mon général, vous pourriez bien faire attention qu’un homme comme moi en vaut deux comme vous. » Et comme l’autre, estomaqué, le regardait sans trouver un mot, il ajouta : « Parfaitement ! Avec un trait de scie, on fait deux baquets dans une feuillette ! » Le général Baquet se mit à rire et fut convaincu par cet argument irrésistible. Je ne sais si c’est à cela que cet imbécile dut d’être promu dans la Légion d’honneur en juin 1915, au grand scandale de la Commission de l’armée, mais c’est à la plaisanterie de M. Feuillette que l’infanterie dut le premier des engins de tranchée dont elle avait tant besoin. (Rires et applaudissements.)

L’Etat-Major avait bien d’autres soucis que de perfectionner l’armement. J’ai retrouvé dans mes notes un des papiers qu’il nous faisait alors distribuer à la place de ce qui nous était nécessaire. Voici à quoi il s’occupait :