Page:De la Houssaye - Pouponne et Balthazar, 1888.djvu/120

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— J’lons pas perdu, père Landry, c’est l’Bon Dieu qui l’a pris… Pove Tit Tienne ! (Petit Étienne) y étiont toujours malade… et y appelait la mère qu’ça faisait pleurer tout l’monde dans la grande barque (le navire). Et la mère et Pouponne, elles n’étiont pas là pou le soigner. J’faisais tout ce que j’pouvions, mais qu’esqu’un chou d’six ans pouvait faire ? J’l’y portions tout ce qu’un chacun m’donnait d’bon à manger… c’était pas grand’chose, mais, tout d’même c’était quelqu’chose… et v’la qu’un soir, y m’dit comme ça : Tit Toine, j’entends la mère… elle m’appelle… adieu Frérot ! Et il était mort ! et je n’avions pus de bézon !

L’enfant s’arrêta suffoqué par les larmes… mais au moment où Pouponne l’attirait à elle pour le consoler, il se redressa.

— Et c’n’est pas tout ! s’écria-t-il, les yeux grands ouverts comme s’ils étaient fixés sur une image épouvantable… l’plus terrible, le v’là ! Je t’nais le corps de mon bézon dans mes bras et j’cherchions à réchauffer ses poves tites mains glacées, quand d’affreux soldats sont v’nus m’l’arracher