Page:De la Mennais - De la religion, 1826.djvu/36

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dans les principes, dans les institutions, dans les lois ; on n’y connoît la puissance du temps ni pour établir, ni pour détruire, ni pour modifier. Une force irrésistible pousse et agite les hommes ; ce qui se trouve sur leur route, quel qu’il soit, est foulé aux pieds : ils avancent, reviennent, avancent encore, et tout l’ordre social devient pour eux comme un chemin de passage. Le pouvoir ne donne pas l’impulsion, il la reçoit. Je ne sais quoi d’indéfinissable emporte et le peuple et ses chefs. Il y a dans les esprits une certaine indocilité, dans les cœurs un certain mépris haineux et défiant pour l’autorité, qui fait qu’on lui cède, et qu’on n’obéit pas. Censurer est le besoin de tous ; c’est un soulagement pour l’orgueil, et aussi une vengeance. Nulle faute n’est pardonnée à ceux qui gouvernent, parce que nul n’étant, par les lois, obligé de gouverner, quiconque se charge du gouvernement se rend garant du succès même.

La médiocrité réussit mieux dans les démocraties que le vrai talent, surtout lorsqu’il s’allie à un noble caractère. La flatterie, la servilité, la bassesse, une fausse habileté souple et patiente, conduisent plus sûrement aux emplois que le génie et la vertu, chez les peuples qu’on appelle libres. Le génie d’ailleurs et même le talent, s’il avoit quelque chose d’élevé, rencontreroit trop de difficultés, trouveroit trop d’obstacles à ses