Page:Debans - Un duel à vapeur, 1895.djvu/46

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passer tous les deux sur la même voie. À chaque instant, il se trouvait là un aiguilleur pour nous remettre dans le droit chemin, ou un inspecteur pour s’enquérir des causes de notre voyage dans des conditions si anormales.

Quoi qu’il en soit, le mercredi suivant, nous fûmes l’un et l’autre fidèles à notre promesse. Tom Tompson montait naturellement une autre locomotive, puisque la sienne avait précédemment servi à culbuter un train, à baigner un mécanicien et à parfumer un chauffeur par des procédés inconnus jusqu’à ce jour, et d’ailleurs difficilement praticables dans la vie courante.

Quant à moi, j’avais toujours la même machine.

Mais il semblait que j’eusse absolument changé de cœur ; mes hésitations de la première journée ne se présentèrent seulement pas à mon esprit, et je hâtai le moment du choc autant qu’il était en mon pouvoir.

Avais-je comme une intuition de l’issue féconde que devait avoir ce combat terrible et nouveau ? Qui sait ? Peut-être aussi le spectacle des trois mécaniciens sauvés dans une rencontre qui devait, d’après toutes les prévisions ordinaires, leur coûter dix fois la vie, me faisait-il penser à mon insu, qu’un homme pris entre deux monstres de fer peut en réchapper.

En partant, j’étais non seulement serein et tranquille, mais j’avais dans l’esprit une pointe de gaieté à laquelle, du reste, je n’aurais pu trouver de véritable cause. Tom Tompson, il me l’a dit plus tard, se déclarait incessamment à lui-même, tout en