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Page:Debans - Un duel à vapeur, 1895.djvu/8

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rire aux larmes, de rire jusqu’à la douleur et de crier : Vous êtes Tom Tompson ! ce qui n’avait pas manqué.

Par malheur, c’était la première fois que le père d’Ellen venait à Albany, et par conséquent il n’y avait jamais exhibé ses désagréments physiques. Mon hilarité infinie attira l’attention des passants ; une foule s’amassa, qui d’abord ne prit garde qu’à moi, et me crut fou ; mais aussitôt que j’eus étendu le bras vers l’homme au nez, et que je lui eus lancé mon fameux : Vous êtes Tom Tompson ! tous les regards suivirent machinalement la direction que j’indiquais, et à l’aspect de la verrue et de son propriétaire, dont les yeux furibonds roulaient de chaque côté de ce nez comme deux brasiers aux deux bords d’un double précipice, une clameur s’éleva, un rire inextinguible s’empara de la foule, et jamais, j’en suis certain, depuis que Noé a jugé à propos de se sauver dans l’arche, jamais on n’a ri comme cela sur cette terre déplorablement désolée.

Intimidé par les regards qui s’étaient portés sur lui, singulièrement embarrassé par mon apostrophe, ahuri par les éclats de rire qui jaillissaient en fusées, ce malheureux Tom faisait une mine qui devenait plus comique à chaque minute. Sa verrue, objet de l’admiration générale, commençait à se mouvoir, malgré lui, au bout de son nez, et prenait des poses, et faisait la belle comme pour mériter l’immense succès d’enthousiasme qu’elle obtenait en ce moment.

Et plus Tom Tompson cherchait à donner à sa physionomie la placidité de l’étonnement, plus cette satanée verrue, agitée sans doute par des mouvements intérieurs de l’âme, se trémoussait sur son promon-