Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/118

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lant le ciel, devant le tribunal duquel elle allait paraître, à témoin qu’elle n’avait jamais forfait à l’honneur ou à son devoir envers son époux et priant Jésus et la Vierge bienheureuse pour lui. C’est ainsi, avec les expressions les plus touchantes et les plus passionnées de son affection, qu’elle lui fit ses derniers adieux, et elle mourut le jour suivant.

Ce discours, de la part d’une princesse si estimable personnellement et qui lui était si chère, suivi de sa perte immédiatement après, fit sur lui une impression si profonde, qu’il fit un retour plein de détestation sur la première partie de son existence, devint mélancolique et réservé, changea sa société ordinaire et la conduite générale de son existence, résolut de mener une vie strictement réglée d’après les lois de la vertu et de la piété, et fut, en un mot, un tout autre homme.

La première partie de cette réforme tomba sur moi comme un orage. Dix jours environ après les funérailles de la princesse, il m’envoya par son gentilhomme un message me notifiant, quoique en termes très civils et avec un court préambule ou introduction, qu’il désirait que je ne prisse pas mal l’obligation où il était de me faire connaître qu’il ne pouvait plus me voir. Son gentilhomme me fit une longue histoire du nouveau règlement de vie que son maître avait adopté, disant qu’il avait été tellement affligé de la perte de la princesse qu’il croyait ou que cela raccourcirait sa vie, ou qu’il se retirerait dans quelque maison religieuse pour y finir ses jours dans la solitude.

Je n’ai pas besoin de dire à personne de supposer la façon dont je reçus cette nouvelle. J’en fus vraiment surprise à l’excès, et j’eus bien de la peine à me soutenir pendant qu’on m’en débita la première partie, bien que le gentilhomme s’acquittât de sa commission avec un grand respect, tous les égards dont il était capable et beaucoup de cérémonie, me disant en même temps combien il était chagrin de m’apporter un tel message.

Mais lorsque j’eus appris les particularités de l’histoire tout au long, et spécialement celle du discours de la dame au prince, un peu avant sa mort, je fus entièrement satisfaite. Je savais très bien qu’il n’avait rien fait que ce que tout homme devait faire en reconnaissant la justesse du discours que la princesse