Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/119

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lui avait tenu, et la nécessité qu’il y avait à changer sa manière de vivre s’il voulait être un chrétien ou honnête homme. Je le répète, lorsque j’eus appris cela, je fus parfaitement tranquille. Je confesse qu’on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que cette circonstance produisît également quelque effet sur moi ; moi qui avais tant de causes de réflexions de plus que le prince ; qui maintenant n’avais plus la tentation de la pauvreté, ou du puissant motif dont Amy s’était servie avec moi, à savoir, céder et vivre, ou refuser et mourir de faim ; moi, dis-je, qui n’avais pas la pauvreté pour ouvrir la porte au vice, qui étais devenue non seulement à l’aise, mais riche, et non seulement riche, mais très riche, plus riche, en un mot, qu’il ne m’était possible d’y songer, car la vérité est que je me sentais parfois ma tête s’égarer en y pensant, faute de savoir comment disposer de ma fortune et dans la crainte de la perdre de nouveau par quelque manœuvre ou escroquerie ; car je ne connaissais personne à qui j’en pusse confier le dépôt.

En outre, je dois ajouter, au moment où cette affaire touche à sa fin, que le prince ne me renvoya pas, je peux le dire, grossièrement et avec dégoût, mais qu’il y mit toutes les convenances et la bonté qui lui était particulière et qui pouvait être compatible avec un homme converti et conscient d’avoir outragé une dame aussi bonne que l’était la feue princesse, son épouse. Il ne me renvoya pas, non plus, à vide ; il fut en tout semblable à lui-même. Particulièrement, il ordonna à son gentilhomme de payer le loyer de la maison et toutes les dépenses de ses deux fils, et de me dire quels soins on avait d’eux, en quel endroit je pourrais en tout temps surveiller la manière dont on les traitait, et que, si quelque chose n’était pas à mon goût, on le rectifierait. Ayant ainsi tout terminé, il se retira en Lorraine ou quelque part de ce côté, où il avait des terres, et je n’entendis plus jamais parler de lui, du moins en qualité de sa maîtresse.

Maintenant j’étais libre d’aller dans n’importe quelle partie du monde et de prendre soin de ma fortune moi-même. La première chose que je résolus de faire fut de me rendre immédiatement en Angleterre ; car là, je croyais, que, parmi mes compatriotes,