Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/155

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Nous étions si intimes ensemble qu’un mari et une femme seuls peuvent, ou du moins, doivent l’être davantage ; mais nos libertés se tenaient toujours dans les termes de la modestie et de la décence. Un soir plus que tous les autres, nous étions pleins de gaieté, et je m’imaginai qu’il poussait cette gaieté pour épier le moment favorable. Je résolus d’être, ou, du moins, de faire semblant d’être aussi gaie que lui, et, en un mot, s’il tentait quelque chose, de le laisser sans trop de difficultés faire ce qu’il voudrait.

Vers une heure du matin, car nous étions restés aussi tard ensemble, je dis :

« Allons ! il est une heure ; il faut que j’aille me coucher.

» — Eh bien ! dit-il, je vais avec vous.

» — Non, non ; allez dans votre chambre. »

Il répéta qu’il voulait aller se coucher avec moi.

« Ma foi, repris-je, si vous le voulez, je ne sais que dire. Si je ne peux pas l’empêcher, il faudra bien que vous le fassiez. »

Cependant, je me délivrai de lui, le laissai, et entrai dans ma chambre ; mais je n’en fermai pas la porte, et comme il pouvait facilement voir que je me déshabillais, il alla dans la sienne, qui était précisément sur le même palier, et, en quelques minutes, le voilà qui se déshabille aussi et qui revient à ma porte en robe de chambre et en pantoufles.

Je croyais qu’il était réellement parti, et qu’il avait voulu plaisanter. Je pensais, soit dit en passant, qu’il n’avait point envie de la chose ou qu’il n’en avait jamais eu l’idée. Je fermai donc ma porte, au loquet, j’entends, car je la fermais rarement à la clef ou au verrou, et je me mis au lit. Il n’y avait pas, dis-je, une minute que j’y étais qu’il arrive en robe de chambre à la porte et l’entrouvre un peu, mais pas assez pour entrer ou pour regarder à l’intérieur, et dit doucement :

« Quoi ? Êtes-vous réellement au lit ?

» — Oui, oui, lui dis je ; allez-vous-en.

» — Non vraiment, fit-il ; je ne m’en irai pas. Vous m’avez tout à l’heure donné la permission de venir me coucher, et vous n’allez pas maintenant me dire : Allez-vous-en ! »

Alors il entre dans ma chambre, puis se retourne, assure la