Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/228

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de les publier, justifieraient pleinement ma conduite. Quoi qu’il en soit, cette partie de l’histoire ne saurait se raconter ; je passe donc et continue.

J’avais un peu commencé, je le répète, à réfléchir sur mon genre de vie, et à songer à lui donner un nouvel aspect. Rien ne m’y poussait tant que la pensée que j’avais trois enfants, grands aujourd’hui, et que, pourtant, aussi longtemps que je serais dans cette position dans le monde, je ne pourrais ni entretenir des relations avec eux, ni m’en faire connaître. C’était pour moi une grande source d’ennui. À la fin j’abordai le sujet en causant avec ma femme de confiance, Amy.

Nous demeurions à Kensington, comme je l’ai dit, et bien que j’en eusse fini avec mon vieux vicieux de lord, ainsi qu’il a été raconté plus haut, je n’en recevais pas moins fréquemment d’autres visites ; de sorte que, pour abréger, je commençais à être connue dans la ville non seulement de nom, mais aussi de réputation, ce qui était pire.

Un matin qu’Amy était au lit avec moi et que j’étais hantée de mes pensées les plus sombres, Amy m’entendant soupirer assez souvent, me demanda si je n’étais pas bien.

« Si, Amy, je suis assez bien de santé, lui dis-je ; mais mon esprit est oppressé de lourdes pensées, et il l’est déjà depuis pas mal de temps. »

Je lui dis alors combien il me gênait de ne pas pouvoir me faire connaître de mes enfants ni former de relations dans le monde.

» Et pourquoi ? demanda Amy.

» — Eh quoi ! Amy ! repartis-je ; mes enfants, que se diraient-ils en eux-mêmes et les uns aux autres, quand ils s’apercevraient que leur mère, toute riche qu’elle puisse être, n’est rien de mieux qu’une catin, une vulgaire catin ? Et quant aux relations, je vous le demande, Amy, quelle dame convenable, quelle famille un peu honorable voudrait être en termes de visites et de connaissance avec une catin ?

» — Oui, tout cela est vrai, madame, répondit Amy ; mais comment y remédier maintenant ?

» — C’est vrai, Amy ; la chose elle-même, on ne saurait y