Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/244

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suivi d’un valet de pied. Il fit quelques excuses, qu’elle ne comprit pas complètement parce qu’il parlait en mauvais anglais, et il demanda à me parler sous le nom même dont j’étais connue chez elle, lequel, soit dit en passant, n’était pas le même que je portais quand lui m’avait connue.

Elle lui répondit très civilement, dans son langage de Quakeresse, et l’introduisit dans un très joli salon au rez-de-chaussée. Puis elle lui dit qu’elle allait voir si la personne qui logeait dans la maison répondait à ce nom, et qu’il n’avait qu’à attendre.

J’étais un peu surprise, avant même de savoir qui c’était, car j’avais dans l’esprit le pressentiment de ce qui arrivait (d’où cela vient-il ? que les naturalistes nous l’expliquent !) Mais j’étais très effrayée et prête à mourir, quand ma Quakeresse monta toute gaie et chantant victoire.

« C’est, s’écria-t-elle, le marchand français de Hollande qui est venu pour te voir. »

Je ne pus lui dire un mot, ni bouger de ma chaise ; mais je restai assise aussi immobile qu’une statue. Elle me dit mille choses joyeuses, mais qui ne firent aucune impression sur moi. À la fin, elle me tira et m’agaça.

« Allons, allons, dit-elle ; sois toi-même, lève-toi. Il faut que je redescende le trouver. Que lui dirai-je ?

» — Dites-lui, répondis-je, que vous n’avez pas cette personne dans la maison.

» — Cela, je ne peux pas, parce que ce n’est pas la vérité. De plus, j’ai avoué que tu étais en haut. Allons, allons, descends avec moi.

» — Non, pas pour mille guinées, m’écriai-je.

» — Bien, dit-elle. Je vais lui dire que tu vas venir vite. »

Et sans me donner le temps de répondre, elle s’en va.

Un million de pensées me traversèrent la tête dès qu’elle fut partie. Ce que faire, je n’aurais pu le dire. Je ne voyais d’autre moyen que d’aller lui parler, mais j’aurais donné cinq cents livres pour l’éviter. Et si je l’avais évité, peut-être aurais-je alors donné cinq cents livres pour l’avoir vu. Tellement mes pensées étaient flottantes et indécises ! Ce que je désirais si fortement, je le refusais quand cela s’offrait de soi-même ; et