Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/296

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Ma mère chérie, dit-elle, ne vous tourmentez pas de cela. Je sais tout ; mais ne vous tourmentez pas. Je n’en dirai pas un mot à ma sœur, ni à mon frère, sans votre permission ; mais ne me reniez pas, maintenant que vous m’avez retrouvée ; ne vous cachez pas de moi plus longtemps. Je ne pourrais le supporter ; cela me brise le cœur.

» — La fille est folle, je crois, dit alors Amy. Mais, enfant, je te dis que si j’étais ta mère, je ne te renierais pas. Ne voyez-vous pas que je suis aussi bonne pour vous que si j’étais votre mère ? »

Mais Amy aurait eu aussi vite fait de chanter Femme sensible sur l’air de Marlborough que de lui parler[1].

» Oui, répondit-elle, vous êtes très bonne avec moi, en vérité ». Et elle ajouta que cela suffirait pour faire croire à tout le monde qu’elle était bien sa mère. Mais ce n’était pas encore là le cas ; elle avait d’autres raisons pour croire, et pour savoir qu’Amy était sa mère ; et c’était une chose triste qu’elle ne voulût pas se laisser appeler ma mère, par elle qui était son propre enfant.

Amy avait le cœur si plein de trouble et d’émotion qu’elle ne chercha pas à avoir plus de renseignements, ce qu’elle aurait fait en d’autres circonstances ; je veux dire des renseignements sur ce qui rendait la fille si affirmative. Mais elle partit et accourut me raconter toute l’histoire.

J’en fus tout d’abord comme foudroyée, et encore plus ensuite comme vous le verrez. Mais tout d’abord, je le répète, je fus comme foudroyée et stupéfaite, et je dis à Amy :

« Il doit y avoir là dessous quelque chose que nous ne savons pas. »

Mais, après y avoir réfléchi plus profondément, je reconnus que la fille n’avait aucune idée de personne, en dehors d’Amy ; et je fus heureuse de ne pas me trouver mêlée dans l’affaire et de ce que la fille n’avait aucune donnée à mon sujet. Toutefois cette tranquillité ne dura pas longtemps ; car lorsque Amy retourna la voir, elle se comporta de même, et se montra même

  1. Littéralement : « de chanter une chanson à une cymbale. »