Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/297

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plus violente qu’elle ne l’avait été auparavant. Amy s’efforça de la calmer par tous les moyens imaginables : elle lui dit d’abord qu’elle trouvait mauvais qu’elle ne la crût pas, et enfin que si elle ne voulait pas renoncer à une si folle fantaisie, elle l’abandonnerait et la laisserait seule dans le monde, comme elle l’avait trouvée.

Cela donna des crises à la fille ; elle poussa des cris à se tuer, et se suspendit au cou d’Amy comme une enfant.

« Eh bien, lui dit celle-ci, pourquoi ne pouvez-vous pas être tranquille avec moi et me laisser vous faire du bien et vous témoigner de l’affection, comme je le ferais, comme j’ai l’intention de le faire ? Pouvez-vous croire que si j’étais votre mère, je ne vous le dirais pas ? Quelle fantaisie possède votre esprit ? »

Là dessus la fille lui dit en peu de mots (mais ce peu de mots effraya Amy jusqu’à lui en faire perdre l’esprit, et eut le même effet sur moi), qu’elle savait parfaitement ce qu’il en était.

« Je sais, dit-elle, lorsque vous avez quitté ***, — elle nommait le village, — où je demeurais quand mon père est parti, que vous êtes passée en France. Je sais très bien cela, et avec qui vous vous en êtes allée. Mylady Roxana n’est-elle pas revenue avec vous ? Je sais tout cela suffisamment ; quoique je ne fusse qu’une enfant, j’ai tout entendu. »

Et elle continua à parler de la sorte, si bien qu’Amy perdit de nouveau toute possession d’elle-même ; elle entra contre elle dans un accès de rage digne d’une échappée de Bedlam ; elle lui dit qu’elle ne l’approcherait plus jamais ; qu’elle pouvait retourner mendier si elle voulait ; que quant à elle, Amy, elle ne voulait plus du tout avoir affaire avec elle. La fille, créature passionnée, lui répliqua qu’elle avait l’expérience des pires choses qu’elle pouvait rentrer en service, et que, si elle ne voulait pas l’avouer pour son enfant, elle n’avait qu’à faire ce qui lui plaisait. Puis elle eut encore un accès de cris et de larmes, comme si elle eût voulu se tuer.

Bref, cette conduite de la jeune fille terrifia Amy au dernier point, et moi aussi. Quoique nous vissions qu’elle se trompait complètement sur certaines choses, elle était tellement dans la vérité sur d’autres que cela me mettait dans une grande per-