Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/343

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pensait que ce serait une très bonne chose, si je pouvais me passer de Cherry, que je la lui envoyasse (c’était d’Amy qu’elle parlait), parce qu’elle voyait qu’on pourrait avoir besoin d’elle.

Il se trouva que cette lettre était adressée à Amy elle-même et qu’elle ne fût pas envoyée par la voie que j’avais d’abord ordonnée ; mais elle arriva intacte en mes mains. J’en fus sans doute un peu alarmée ; cependant je ne fus informée que plus tard du danger dans lequel j’étais d’une visite immédiate de cette agaçante créature ; et je courus vraiment un risque extraordinaire en ce que je n’envoyai Amy que treize ou quatorze jours après, me croyant tout aussi bien cachée à Tunbridge que si j’avais été à Vienne.

Mais l’intérêt de mon fidèle espion (car ma Quakeresse était cela pour moi désormais par le fait même de sa perspicacité), son intérêt pour moi, dis-je, fut ma sûreté dans ce pas critique où, comme on dit, je ne me gardais pas moi-même. En effet, voyant qu’Amy n’arrivait pas, et ne sachant pas avec quelle promptitude cette sauvage créature mettrait à exécution son projet de vagabondage, elle envoya un commissionnaire chez la femme du capitaine, où elle logeait, pour lui dire qu’elle désirait lui parler. Elle accourut sur les talons du commissionnaire, avide d’avoir des nouvelles ; elle espérait, dit-elle, que la dame, c’est-à-dire moi, était revenue à la ville.

La Quakeresse, avec toutes les précautions dont elle était capable pour ne pas dire un vrai mensonge, lui fit croire qu’elle s’attendait à avoir de mes nouvelles dans très peu de temps ; et à plusieurs reprises, tout en parlant de gens qui vont à la campagne pour le bon air, elle cita le pays aux environs de Bury ; combien il était agréable, et comme l’air y était sain et pur ; que les dames aux environs de Newmarket étaient excessivement belles, et quelle grande affluence de société il y avait maintenant que la cour y était ; si bien qu’à la fin la fille se mit à en tirer la conclusion que c’était là qu’était allée Ma Seigneurie ; car, dit-elle, elle savait que j’aimais à voir une nombreuse société.

« Du tout, dit mon amie, tu me comprends mal. Je n’ai pas