Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/344

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suggéré que la personne dont tu t’informes est allée là, ni ne crois qu’elle y est allée, je t’assure. »

Bah ! la fille sourit, et lui fit voir qu’elle le croyait malgré cela. Aussi, pour enfoncer cette idée davantage :

« Véritablement, dit la Quakeresse avec un grand sérieux, tu n’agis pas bien ; car tu suspectes tout et tu ne crois rien. Je te déclare solennellement que je ne crois pas qu’ils soient allés de ce côté. Aussi, si tu prends la peine d’y aller et que tu sois désappointée, ne dis pas que je t’ai trompée. »

Elle savait bien que si ces paroles affaiblissaient son soupçon, elles ne l’écarteraient pas et qu’elles ne feraient guère que l’amuser. Mais par ce moyen, elle la tenait en suspens jusqu’à l’arrivée d’Amy, et c’était assez.

Lorsqu’Amy arriva, elle fut tout à fait consternée d’entendre la relation que la Quakeresse lui fit. Elle trouva moyen de m’en informer ; seulement elle me faisait savoir, à ma grande satisfaction, que la fille ne commencerait pas par Tunbridge, mais qu’elle irait certainement à Newmarket ou à Bury d’abord.

Toutefois, cela me causa une grande inquiétude ; car, puisqu’elle était décidée à courir tout le pays à ma recherche, je n’étais en sûreté nulle part, non pas même en Hollande ; de sorte que je ne savais comment faire à son endroit. C’est ainsi que quelque chose d’amer gâtait toute la douceur de ma vie, car j’étais continuellement alarmée par cette drôlesse, et il me semblait qu’elle me hantait comme un mauvais esprit.

Cependant il s’en fallait de bien peu qu’Amy ne fût complétement folle à propos d’elle. Elle n’aurait osé, au prix de sa vie, la voir dans mon appartement. Elle alla, pendant des jours sans nombre, à Spitalfields, où elle avait l’habitude de venir, et à son ancien logement ; mais elle ne put jamais la rencontrer. À la fin, elle prit la résolution désespérée d’aller tout droit à la maison du capitaine, à Redriff, et de lui parler. C’était une folle démarche, c’est vrai ; mais comme Amy déclarait qu’elle était folle elle-même, rien de ce qu’elle pouvait faire ne pouvait être autrement. En effet, si Amy avait trouvé la fille à Redriff, celle-ci en aurait conclu immédiatement que la Quakeresse l’avait avertie, que par conséquent nous étions toutes de la