Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/363

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venue plus tard la trouver et lui avait demandé à brûle-pourpoint si elle savait que je fusse ou non la mère, ou la même que lady Roxana, ou elle ne l’aurait pas nié, ou elle l’aurait fait de si mauvaise grâce, avec tant de rougeur, tant d’hésitation et de bégayement dans ses réponses, qu’elle aurait rendu le fait indubitable, et qu’elle se serait trahie en trahissant aussi le secret.

C’est pour cette raison, je le répète, que je ne lui découvris rien de cette nature ; mais je la mis, comme je l’ai dit, à la place d’Amy dans les autres affaires consistant à recevoir l’argent, les intérêts, les rentes et le reste ; et elle fut aussi fidèle qu’Amy pouvait l’être, et aussi active.

Mais il se présentait ici une grande difficulté, que je ne savais comment surmonter. Il s’agissait de faire passer la quantité ordinaire de secours en nature et en argent à l’oncle et à l’autre sœur, qui dépendaient, la sœur surtout, de ces secours pour subsister. Car, si Amy avait dit dans un mouvement de vivacité qu’elle ne voulait plus s’occuper de la sœur et qu’elle la laisserait périr, ainsi qu’il a été rapporté plus haut, cela n’était cependant ni dans ma nature, ni dans celle d’Amy, et encore moins était-ce mon dessein. Je résolus donc de laisser l’administration de ce que j’avais réservé pour cette œuvre à ma fidèle Quakeresse ; mais la difficulté était de lui donner les instructions nécessaires à cette administration.

Amy leur avait dit en propres termes qu’elle n’était pas leur mère, mais qu’elle était leur bonne Amy qui les avait menées chez leur tante ; qu’elle et leur mère étaient allées aux Indes Orientales chercher fortune, que là la chance leur avait été favorable, et que leur mère était riche et heureuse ; qu’elle, Amy, s’était mariée aux Indes ; mais qu’étant devenue veuve et ayant résolu de revenir en Angleterre, leur mère l’avait chargée de les chercher et de faire pour elles ce qu’elle avait fait ; maintenant elle avait pris la résolution de retourner aux Indes ; mais elle avait l’ordre de leur mère d’en agir très libéralement avec elles ; et, en un mot, elle leur dit qu’elle avait mis deux mille livres sterling de côté pour elles, à condition qu’elles se montreraient raisonnables, qu’elles se marieraient convenablement, et ne se jetteraient pas au cou d’un vaurien.