Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/362

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

partie, l’avait quittée deux ou trois heures après, et qu’ils feraient bien de la chercher, parce que j’avais lieu de craindre qu’elle n’eût été assassinée. Ceci les effraya horriblement. Ils crurent qu’Amy l’avait emmenée pour lui verser une somme d’argent, et qu’après l’avoir reçue, elle avait été guettée par quelqu’un qui l’avait volée et assassinée.

Je ne croyais rien de cela, quant à moi ; mais je croyais ce qui était, que quelle que fût la chose faite, c’était Amy qui l’avait faite ; qu’en un mot Amy l’avait fait disparaître. Je le croyais d’autant plus qu’Amy se tenait éloignée de moi, et confirmait son crime par son absence.

En somme, je me désolai ainsi à son sujet pendant plus d’un mois ; mais voyant qu’elle se tenait toujours éloignée et qu’il me fallait arranger mes affaires pour pouvoir aller en Hollande, je m’ouvris de tous mes intérêts à ma chère et digne amie, la Quakeresse et je la mis dans les questions de confiance, à la place d’Amy. Puis, le cœur gros et saignant pour ma pauvre fille, je m’embarquai avec mon époux, tout notre train et tous nos effets, à bord d’un autre bâtiment marchand hollandais — non pas d’un paquebot — et je passai en Hollande, où j’arrivai, comme je l’ai dit.

Je dois vous prévenir cependant ici qu’il ne faut pas comprendre par là que je laissai mon amie la Quakeresse pénétrer dans aucune partie de l’histoire secrète de mon ancienne existence ; je ne lui confiai point le grand point réservé entre tous, à savoir que j’étais réellement la mère de la jeune fille et lady Roxana. Il n’y avait point nécessité d’exposer ces détails, et j’ai toujours eu pour maxime que les secrets ne doivent jamais être révélés sans une utilité évidente. Il ne pouvait être d’aucun service, soit pour elle, soit pour moi, de lui communiquer ces choses ; d’un autre côté, elle était trop honnête pour que cette démarche fût sûre pour moi, car, bien qu’elle m’aimât très sincèrement, — et il était clair par bien des circonstances qu’elle m’aimait réellement, — elle n’aurait cependant pas voulu mentir pour moi à l’occasion, comme Amy l’aurait fait ; par conséquent il n’était pas prudent, à aucun point de vue, de lui communiquer cette partie ; car, si la fille, ou tout autre personne était