Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/69

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mon premier amant. J’hésitais beaucoup à consentir dès la première demande ; mais le prince me dit que les princes ne faisaient pas la cour comme les autres hommes ; qu’ils mettaient en avant de plus puissants arguments ; et il ajoutait gentiment qu’ils étaient plus souvent repoussés que les autres hommes, et qu’ils devaient être satisfaits plus tôt ; faisant entendre, de la façon la plus distinguée d’ailleurs, qu’une fois qu’une femme l’avait positivement refusé, il ne pouvait point, comme les autres hommes, s’attarder à des importunités et à des stratagèmes, ni mettre le siège pour longtemps : si des hommes comme lui donnaient l’assaut chaudement, une fois repoussés, ils ne faisaient point une seconde attaque ; et, de fait, ce n’était que raisonnable ; car, s’il était au-dessous de leur rang de battre longtemps en brèche la constance d’une femme, d’un autre côté ils couraient de plus grands risques que les autres hommes à voir leurs amours dévoilées.

Je pris ceci pour une réponse satisfaisante, et je dis à Son Altesse que j’avais la même pensée sur la nature de ses attaques ; car sa personne et ses arguments étaient irrésistibles ; une personne de son rang et d’une munificence si illimitée ne pouvait éprouver de résistance ; il n’y avait pas de vertu qui tînt contre lui, si ce n’est celles qui peuvent souffrir jusqu’au martyre ; j’avais cru qu’il était impossible que je fusse vaincue, mais maintenant je voyais qu’il était impossible que je ne le fusse pas ; tant de bonté unie à tant de grandeur aurait triomphé d’une sainte ; et je confessais qu’il remportait la victoire sur moi, grâce à un mérite infiniment supérieur à la conquête qu’il avait faite.

Ainsi, j’avais accordé au prince la dernière faveur, et il avait avec moi toute la liberté qu’il m’était possible de laisser prendre. Aussi me donna-t-il la permission de prendre avec lui la même liberté dans un autre sens, qui était d’obtenir de lui tout ce que je jugerais convenable de lui commander. Cependant je ne lui demandai rien d’un air avide, comme si j’avais hâte de tirer de l’argent de lui ; mais je le manœuvrai si habilement que d’ordinaire il prévenait mes demandes. Il me pria seulement de ne plus penser à prendre une autre maison, suivant l’intention que j’en avais manifestée à Son Altesse, ne trouvant pas celle-ci assez