Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/81

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« Monseigneur, je doute que Votre Altesse se donne jamais le loisir de songer à ce qui arriverait si j’avais l’honneur d’être enceinte de vous.

» — Eh bien, ma chère, dit-il, nous avons les moyens d’élever l’enfant, si une telle chose arrivait : j’espère que vous n’êtes pas inquiète là-dessus.

» — Non, monseigneur, répondis-je. Je me croirais très heureuse si je pouvais donner à Votre Altesse un fils. J’aurais l’espoir de le voir lieutenant-général des armées du roi, grâce à l’intérêt que lui porterait son père, et grâce à son propre mérite.

» — Soyez assurée, enfant, reprit-il, que, s’il en était ainsi, je ne refuserais pas de l’avouer pour mon fils, bien que fils naturel, comme on les appelle ; et je ne le mépriserais ni ne le négligerais jamais, pour l’amour de sa mère. »

Il se mit alors à m’importuner pour savoir si c’était vrai ; mais je le niai positivement jusqu’au jour où je fus capable de lui donner la satisfaction de reconnaître lui-même le mouvement de l’enfant au dedans de moi.

Il se déclara ravi de joie à cette découverte ; mais il me dit qu’il était absolument nécessaire pour moi de quitter la retraite que, disait-il, j’avais supportée pour l’amour de lui, et de prendre une maison quelque part à la campagne, autant pour ma santé que pour le secret, à l’occasion de mes couches. Ceci était tout à fait en dehors de ma sphère d’action ; mais le prince, qui était un homme de plaisir, avait, paraît-il, plusieurs asiles de ce genre, dont il avait fait usage, je suppose, en des occasions semblables. Tout en s’en remettant donc, pour ainsi dire, à son gentilhomme, il me procura une maison très convenable à environ quatre milles au sud de Paris, dans le village de ***, où j’eus des appartements très agréables, de beaux jardins, et tout très bien disposé à mon goût. Mais une chose qui ne me plut pas du tout, ce fut une vieille femme qu’on avait retenue et établie dans la maison avec la charge de pourvoir à tout ce qui serait nécessaire pendant mes couches et de m’assister dans le travail.

Je n’aimais pas du tout cette vieille femme ; elle avait trop