Page:Defoe - Lady Roxana.djvu/82

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l’air d’un espion à mes trousses ou (et cette idée m’épouvantait parfois) de quelqu’un secrètement chargé de m’expédier hors de ce monde, de la manière qui s’accorderait le mieux avec les circonstances de mes couches. La première fois que le prince vint me voir, ce qui ne tarda pas beaucoup de jours, je lui fis quelques plaintes au sujet de cette vieille femme, et, autant par l’habileté de mon langage que par la force de mon raisonnement, je le convainquis que ce ne serait pas du tout commode, que le risque en serait plus grand de son côté, et que, tôt ou tard, cela le ferait découvrir ainsi que moi. Je l’assurai que ma servante étant anglaise, elle ne savait pas encore maintenant qui il était ; que je l’appelais toujours le comte de Clérac, et qu’elle ne savait et ne saurait jamais rien d’autre sur lui ; que, s’il voulait me donner congé de choisir des personnes convenables pour mon service, il serait ordonné de telle façon qu’aucune d’elles ne saurait qui il était, ni même peut-être ne verrait jamais son visage ; et que, quant à l’identité de l’enfant qui allait naître, Son Altesse, qui avait été seule au début de l’affaire, serait, s’il lui plaisait, présente dans la chambre pendant tout le temps, de sorte qu’elle n’aurait pas besoin de témoins à cet égard.

Ce discours le satisfit complètement, si bien qu’il ordonna à son gentilhomme de congédier la vieille femme le même jour ; et, sans aucune difficulté, j’envoyai Amy à Calais et de là à Douvres, où elle engagea une sage-femme anglaise et une nourrice anglaise, pour venir en France soigner, pendant quatre mois au moins, une dame anglaise de qualité, suivant le titre qu’on me donnait.

Amy avait convenu de payer à la sage-femme cent guinées, et de la défrayer jusqu’à Paris et, au retour, jusqu’à Douvres. La pauvre femme qui devait être ma nourrice avait vingt livres sterling, et, pour les frais, les mêmes conditions que l’autre.

Je fus très aise lorsque Amy fut de retour, d’autant plus qu’elle amenait avec la sage-femme une autre femme aux bonnes allures maternelles, qui devait lui servir d’aide, et qui serait très utile à l’occasion ; elle avait aussi averti un accoucheur à Paris, au cas où on aurait en quoi que ce soit besoin de son assis-