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VIII
PRÉFACE DU TRADUCTEUR

symboles et les appliqua à diverses sortes d’êtres humains. C’est l’existence matérielle de l’homme, et sa difficulté, qui a le plus puissamment frappé l’esprit de de Foë. Il y avait de bonnes raisons pour cela. Et ainsi que lui-même a lutté, solitaire, pour obtenir une petite aisance et une protection contre les intempéries du monde, ses héros et héroïnes sont des solitaires qui essayent de vivre en dépit de la nature et des hommes.

Robinson, jeté sur une île déserte, arrache à la terre ce qu’il lui faut pour manger son pain quotidien ; le pauvre Jacques, né parmi des voleurs, vit à sa manière pour l’amour seul de l’existence, et sans rien posséder, tremblant seulement le jour où il a trouvé une bourse pleine d’or ; Bob Singleton, le petit pirate, abandonné sur mer, conquiert de ses seules mains son droit à vivre avec des moyens criminels ; la courtisane Roxana parvient péniblement, après une vie honteuse, à obtenir le respect de gens qui ignorent son passé ; le malheureux sellier, resté à Londres au milieu de la peste, arrange sa vie et se protège du mieux qu’il peut en dépit de l’affreuse épidémie ; enfin Moll Flanders, après une vie de prostitution de calcul, ruinée, ayant quarante-huit ans déjà, et ne pouvant plus trafiquer de rien, aussi solitaire au milieu de la populeuse cité de Londres qu’Alexandre Selkirk dans l’île de Juan Hernandez, se fait voleuse isolée