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MOLL FLANDERS

satisfait de ce que je lui avais remis, et m’accordai à venir le trouver dans une maison qu’il dirigeait lui-même, où je le joignis après avoir disposé du butin que j’avais sur moi, dont il n’eut pas le moindre soupçon. Sitôt que j’arrivai, il commença de capituler, persuadé que je ne connaissais point le droit que j’avais dans la prise, et m’eût volontiers congédiée avec 20 £, mais je lui fis voir que je n’étais pas si ignorante qu’il le supposait ; et pourtant j’étais fort aise qu’il proposât au moins un prix fixe. Je demandai 100 £, et il monta à 30 £ ; je tombai à 80 £ ; et de nouveau il monta jusqu’à 40 £ ; en un mot il offrit 50 £ et je consentis, demandant seulement une pièce de dentelle, qui, je pense, était de 8 ou 9 £, comme si c’eût été pour la porter moi-même, et il s’y accorda. De sorte que les 50 £ en bon argent me furent payées cette nuit même, et le payement mit fin à notre marché ; il ne sut d’ailleurs qui j’étais ni où il pourrait s’enquérir de moi ; si bien qu’au cas où on eût découvert qu’une partie des marchandises avait été escroquée, il n’eût pu m’en demander compte.

Je partageai fort ponctuellement ces dépouilles avec ma gouvernante, et elle me regarda depuis ce moment comme une rouée fort habile en des affaires délicates. Je trouvai que cette dernière opération était du travail le meilleur et le plus aisé qui fût à ma portée, et je fis mon métier de m’enquérir des marchandises prohibées ; et après être allée en acheter, d’ordinaire je les dénonçais ; mais aucune de ces découvertes ne monta à rien de considérable ni de pareil à ce que je viens de rapporter ; mais j’étais circonspecte à courir les grands risques auxquels je voyais d’autres s’exposer, et où ils se ruinaient tous les jours.