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MOLL FLANDERS

endroit, que je passais dans cette rue, et que j’étais entrée dans une boutique d’argenterie pour acheter une demi-douzaine de cuillers. Par chance grande j’avais dans ma poche une vieille cuiller d’argent que j’en tirai, et lui dis que j’avais emporté cette cuiller afin d’acheter les pareilles neuves, pour compléter le service que j’avais à la campagne.

Que ne voyant personne dans la boutique j’avais frappé du pied très fort pour faire venir les gens et que j’avais appelé aussi à haute voix ; qu’il était vrai qu’il y avait des pièces d’argenterie éparses dans la boutique, mais que personne ne pouvait dire que j’en eusse touché aucune ; qu’un individu était arrivé tout courant de la rue dans la boutique et m’avait empoignée de furieuse manière, dans le moment que j’appelais les gens de la maison ; que s’il avait eu réellement l’intention de rendre quelque service à son voisin, il aurait dû se tenir à distance et m’épier silencieusement pour voir si je touchais rien, et puis me prendre sur le fait.

— Voilà qui est vrai, dit M. l’échevin, et, se tournant vers l’homme qui m’avait arrêtée, il lui demanda s’il était vrai que j’eusse frappé du pied. Il dit que oui, que j’avais frappé, mais qu’il se pouvait que cela fût du fait de sa venue.

— Nenni, dit l’échevin, le reprenant de court, voici que vous vous contredisez ; il n’y a qu’un moment que vous avez dit qu’elle était dans la boutique, et qu’elle vous tournait le dos, et qu’elle ne vous avait pas vu jusqu’au moment où vous étiez venu sur elle.

Or il était vrai que j’avais en partie le dos tourné à