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MOLL FLANDERS

le midi, voilà qui avait quelque chose de si choquant que cet homme finit par me donner la nausée, et son œuvre aussi, par degrés, à cause de l’homme qui la pratiquait : si bien que je le priai de ne point me fatiguer davantage.

Je ne sais comment cela se fit, mais grâce aux infatigables efforts de ma diligente gouvernante, il n’y eut pas d’accusation portée contre moi à la première session, je veux dire au grand jury, à Guildhall, si bien que j’eus encore un mois ou cinq semaines devant moi, et sans doute c’est ce que j’aurais dû regarder comme autant de temps qui m’était donné pour réfléchir sur ce qui était passé, et me préparer à ce qui allait venir ; j’aurais dû estimer que c’était un répit destiné au repentir et l’avoir employé ainsi, mais c’est ce qui n’était pas en moi. J’étais fâchée, comme avant, d’être à Newgate, mais je donnais peu de marques de repentir.

Au contraire, ainsi que l’eau dans les cavernes des montagnes qui pétrifie et tourne en pierre toute chose sur quoi on la laisse s’égoutter ; ainsi le continuel commerce avec une pareille meute de limiers d’enfer eut sur moi la même opération commune que sur les autres ; je muai en pierre ; je devins premièrement insensible et stupide, puis abrutie et pleine d’oubli, enfin folle furieuse plus qu’aucune d’elles ; en somme j’arrivai à me plaire naturellement et à m’accommoder à ce lieu, autant en vérité que si j’y fusse née.

Il est à peine possible d’imaginer que nos natures soient capables de dégénérer au point que de rendre plaisant et agréable ce qui en soi est la plus complète misère. Voilà une condition telle que je crois qu’il est à peine possible d’en citer une pire ; j’étais malheureuse avec un raffine-