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Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/73

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MOLL FLANDERS

je l’aimais extraordinairement, dit-il, mais je n’ai jamais pu faire croire à la friponne que je parlais sérieusement.

— Et je ne sais comment tu l’aurais pu, dit sa mère, il n’y a pas de personne de bon sens qui puisse te croire sérieux de parler ainsi à une pauvre fille dont tu connais si bien la position. Mais, de grâce, mon fils, ajoute-t-elle, puisque tu nous dis que tu n’as pu lui faire croire que tu parlais sérieusement, qu’en devons-nous croire, nous ? Car tu cours tellement à l’aventure dans tes discours, que personne ne sait si tu es sérieux ou si tu plaisantes ; mais puisque je découvre que la fille, de ton propre aveu, a répondu sincèrement, je voudrais que tu le fisses aussi, en me disant sérieusement pour que je sois fixée : Y a-t-il quelque chose là-dessous ou non ? Es-tu sérieux ou non ? Es-tu égaré, en vérité, ou non ? C’est une question grave, et je voudrais bien que nous fussions satisfaites sur ce point.

— Par ma foi, madame, dit Robin, il ne sert de rien dorer la chose ou d’en faire plus de mensonges : je suis sérieux autant qu’un homme qui s’en va se faire pendre. Si Mme Betty voulait dire qu’elle m’aime et qu’elle veut bien m’épouser, je la prendrais demain matin à jeun, et je dirais : « Je la tiens », au lieu de manger mon déjeuner.

— Alors, dit la mère, j’ai un fils de perdu — et elle le dit d’un ton bien lugubre, comme une qui en fût très affligée.

— J’espère que non, madame, dit Robin : il n’y a pas d’homme perdu si une honnête femme le retrouve.

— Mais, mon enfant, dit la vieille dame, c’est une mendiante !