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Page:Defoe - Moll Flanders, trad. Schowb, ed. Crès, 1918.djvu/79

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MOLL FLANDERS

celui qui en savait la raison ; toutefois ce fut longtemps avant qu’il y prît garde, et moi, aussi répugnante à parler que lui, je me conduisis avec tout autant de respect, mais jamais ne proposai de dire un mot en particulier en quelque manière que ce fût ; et ce manège dura seize ou dix-sept semaines ; de sorte qu’attendant chaque jour d’être renvoyée de la famille, par suite du déplaisir qu’ils avaient pris sur un autre chef en quoi je n’avais point de faute, je n’attendais rien de plus de ce gentilhomme, après tous ses vœux solennels, que ma perte et mon abandon.

À la fin je fis moi-même à la famille une ouverture au sujet de mon départ ; car un jour que la vieille dame me parlait sérieusement de ma position et de la pesanteur que la maladie avait laissée sur mes esprits :

— Je crains, Betty, me dit la vieille dame, que ce que je vous ai confié au sujet de mon fils n’ait eu sur vous quelque influence et que vous ne soyez mélancolique à son propos ; voulez-vous, je vous prie, me dire ce qu’il en est, si toutefois ce n’est point trop de liberté ? car pour Robin, il ne fait que se moquer et plaisanter quand je lui en parle.

— Mais, en vérité, madame, dis-je, l’affaire en est où je ne voudrais pas qu’elle fût, et je serai entièrement sincère avec vous, quoi qu’il m’en advienne. Monsieur Robert m’a plusieurs fois proposé le mariage, ce que je n’avais aucune raison d’attendre, regardant ma pauvre condition ; mais je lui ai toujours résisté, et cela peut-être avec des termes plus positifs qu’il ne me convenait, eu égard au respect que je devrais avoir pour toute branche de votre famille ; mais, dis-je, madame, je n’aurais jamais pu ou-