Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/124

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ble où il n’y ait quelque chose de positif ou de négatif dont on doive être reconnaissant. Que ceci demeure donc comme une leçon tirée de la plus affreuse de toutes les conditions humaines, qu’il est toujours en notre pouvoir de trouver quelques consolations qui peuvent être placées dans notre bilan des biens et des maux au crédit de ce compte.

Ayant alors accoutumé mon esprit à goûter ma situation, et ne promenant plus mes regards en mer dans l’espérance d’y découvrir un vaisseau, je commençai à m’appliquer à améliorer mon genre de vie, et à me faire les choses aussi douces que possible.

J’ai déjà décrit mon habitation ou ma tente, placée au pied d’une roche, et environnée d’une forte palissade de pieux et de câbles, que, maintenant, je devrais plutôt appeler une muraille, car je l’avais renformie, à l’extérieur, d’une sorte de contre-mur de gazon d’à peu près deux pieds d’épaisseur. Au bout d’un an et demi environ je posai sur ce contre-mur des chevrons s’appuyant contre le roc, et que je couvris de branches d’arbres et de tout ce qui pouvait garantir de la pluie, que j’avais reconnue excessive en certains temps de l’année.

J’ai raconté de quelle manière j’avais apporté tous mes bagages dans mon enclos, et dans la grotte que j’avais faite par-derrière ; mais je dois dire aussi que ce n’était d’abord qu’un amas confus d’effets dans un tel désordre qu’ils occupaient toute la place, et me laissaient à peine assez d’espace pour me remuer. Je me mis donc à agrandir ma grotte, et à pousser plus avant mes travaux souterrains ; car c’était une roche de sablon qui cédait aisément à mes efforts. Comme alors je me trouvais passablement à couvert des bêtes de proie, je creusai obliquement le roc à