Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 1.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

haute, afin que je pusse être prêt pour le jusant. Alors j’avais assez amassé de charpentes, de planches et de ferrures pour construire un bon bateau si j’eusse su comment. Je parvins aussi à recueillir, en différentes fois et en différents morceaux, près de cent livres de plomb laminé.

JUIN.

Le 16. — En descendant sur le rivage je trouvai un grand chélone ou tortue de mer, le premier que je vis. C’était assurément pure mauvaise chance, car ils n’étaient pas rares sur cette terre ; et s’il m’était arrivé d’être sur le côté opposé de l’île, j’aurais pu en avoir par centaines tous les jours, comme je le fis plus tard ; mais peut-être les aurais-je payés assez cher.

Le 17. — J’employai ce jour à faire cuire ma tortue : je trouvai dedans soixante œufs, et sa chair me parut la plus agréable et la plus savoureuse que j’eusse goûtée de ma vie, n’ayant eu d’autre viande que celle de chèvre ou d’oiseau depuis que j’avais abordé à cet horrible séjour.

Le 18. — Il plut toute la journée, et je ne sortis pas. La pluie me semblait froide, j’étais transi, chose extraordinaire dans cette latitude.

Le 19. — J’étais fort mal, et je grelottais comme si le temps eût été froid.

Le 20. — Je n’eus pas de repos de toute la nuit, mais la fièvre et de violentes douleurs dans la tête.

Le 21. — Je fus très-mal, et effrayé presque à la mort par l’appréhension d’être en ma triste situation, malade et sans secours. Je priai Dieu pour la première fois depuis la tourmente essuyée au large de Hull ; mais je savais