Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/111

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ce qu’ils disaient ; seulement ils comprirent qu’on leur faisait des menaces parce qu’ils avaient pris le parti des deux Anglais.

Où allèrent-ils et comment passèrent-ils leur temps ce soir-là, les Espagnols me dirent n’en rien savoir ; mais il paraît qu’ils errèrent çà et là dans le pays une partie de la nuit ; puis que, s’étant couchés dans l’endroit que j’appelais ma tonnelle, ils se sentirent fatigués et s’endormirent. Au fait, voilà ce qu’il en était : ils avaient résolu d’attendre jusqu’à minuit, et alors de surprendre les pauvres diables dans leur sommeil, et, comme plus tard ils l’avouèrent, ils avaient le projet de mettre le feu à la hutte des deux Anglais pendant qu’ils y étaient, de les faire périr dans les flammes ou de les assassiner au moment où ils sortiraient : comme la malignité dort rarement d’un profond sommeil, il est étrange que ces gens-là ne soient pas restés éveillés.

Toutefois comme les deux honnêtes gens avaient aussi sur eux des vues, plus honorables, il est vrai, que l’incendie et l’assassinat, il advint, et fort heureusement pour touts, qu’ils étaient debout et sortis avant que les sanguinaires coquins arrivassent à leurs huttes.

Quand ils y furent et virent que leurs adversaires étaient partis, Atkins, qui, à ce qu’il paraît, marchait en avant, cria à ses camarades : — « Holà ! Jack, voilà bien le nid ; mais, qu’ils soient damnés ! les oiseaux sont envolés. » — Ils réfléchirent un moment à ce qui avait pu les faire sortir de si bonne heure, et l’idée leur vint que c’étaient les Espagnols qui les avaient prévenus ; là-dessus ils se serrèrent la main et se jurèrent mutuellement de se venger des Espagnols. Aussitôt qu’ils eurent fait ce pacte de sang, ils se mirent à l’œuvre sur l’habitation des pauvres gens. Ils ne brûlèrent rien ; mais ils jetèrent bas les deux huttes,