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UNE DIRECTION I LE POSITIVISME 141

Quand nous prenons place dans un train, nous confions notre peau au mécanicien. Mais ce n'est pas parce qu'il est du peuple, c'est parce que nous supposons que sa compétence fut éprouvée par le chef du personnel de la compagnie. C'est à celui-ci que nous faisons crédit. Si l'on nous apprenait sou- dain que ce mécanicien a été nommé par ses audi- teurs au cours d'une réunion où il exposa avec ba- gout son opinion sur la revision de la Constitution, nous nous empresserions de différer notre voyage ou de souscrire une assurance sur la vie.

Pour conduire un État, voire une locomotive, on ne saurait faire confiance à une pluralité irrespon- sable, qu'elle soit populacière, parlementaire ou académique. S'il n'y a pas un chef, la catastrophe est fatale.

Les mérites étrangers, ce qu'il est convenu d'ap- peler les « compétences », c'est-à-dire une connais- sance technique pour une œuvre théorique, une aptilude particulière pour une besogne d'ensemble comme de gouverner, ne sauraient modifier le prin- cipe. Au contraire. Le général est une spécialité. Réussir ses propres affaires est une chose, diriger un État en est une autre.

Comte nous recommande de ne pas confondre l'ordre de mérite avec celui des situations. Gouverner est une fonction. Nous admirons le génie d'un Pas- teur ; mais il eût été imprudent de le charger de gouverner. Ministre, Berthelot ne dépassa pas les autres politiciens. Même un Comte, c'eût été, je pense, un médiocre homme d'État. Nous savons qu'il s'est trompé parfois dans les détails et la pra- tique. Et c'est précisément parce qu'il fut un génie