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UNE DIRECTION '. LE POSITIVISME 9

scientifique est moralement dangereuse, quand on n'y voit pas un simple moyen et qu'on veut l'ériger en but. » Bien plus tard, il établira que « l'intelli- gence ne se développe pleinement que sous les im- pulsions sympathiques ».

La coordination des connaissances humaines ne fut donc pour lui qu'un moyen, une étape. M. L. Du- gas, qui n'est pas positiviste, peut dire : « Leibniz et A. Comte, les têtes les plus meublées, les plus sys- tématiques qui existent dans les temps modernes, où le développement des sciences défie l'esprit indi- viduel et lui fait paraître vain et chimérique l'espoir d'embrasser à la fois toutes les sciences et de réaliser une œuvre analogue aux Sommes du moyen âge. » Oui ; mais cette vertigineuse ambition de Leibniz n'est encore que le premier étage de celle de Comte, qui en gravira deux autres.

Si donc il laisse provisoirement son cœur en friche, c'est qu'il veut réorganiser la société. « A l'huma- nité, écrivait un philosophe belge, M. Hector Denis, il y pensait perpétuellement, même à travers les arides parties de la Philosophie positive, et le plus douloureux sentiment qu'il ait exprimé vingt ans après dans sa correspondance, c'est qu'on ait pu douter de la tendresse de son cœur. Dans un pas- sage vraiment sublime, il rappelle qu'un lecteur n'avait pu retenir ses larmes à la lecture d'une page de la Philosophie positive, où Comte retraçait la per- spective qu'il rêvait pour la grandeur de l'homme, et il ajoute qu'à la vérité, ce passage, il l'avait écrit tout en larmes lui-même. »

Toutes ses pensées vont à l'humanité. S'il veut sa- voir, c'est pour prévoir afin de pourvoir. Il s'immole

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